Au XVIe siècle, tous les gros chiens qui n’étaient ni des terriers, ni des chiens courants ou des épagneuls étaient appelés mastiffs (de masty qui signifie gros).
Le nom n’apparaît qu’au XVIIe siècle, dans une lettre d’un certain Prestwick Eaton, écrite à San Sébastian, en 1631 : il demande à son ami George Willingham, résidant à Londres, de lui faire parvenir deux bons bulldogs pour les combats de taureaux. Ainsi, la mode du bull-baiting battait toujours son plein, et pas seulement en Angleterre !
Au siècle suivant, certains esprits sensibles commencent à s’émouvoir : en 1778, le duc du Devonshire met fin à ces bains de sang qui avaient lieu chaque année à Tutbury depuis 1374. En 1802, le révérend Barry fait de même à Working-ham... En 1818, la prise de conscience se fait plus forte : un chroniqueur du British Field Sport s’insurge contre ce sport « barbare et infâme », mais surtout contre le bulldog, véritable honte de sa race qu’il souhaite voir disparaître définitivement.
Il faut dire qu’à l’époque, on peut assister à des horreurs : on rapporte qu’un éleveur paria gros que son bulldog irait au combat et tiendrait tête au taureau... même en lui coupant les quatre pieds ! Ce qui fut dit fut fait et le pauvre chien joua son rôle malgré sa torture.
Certains voudraient donc exterminer ces « monstres » de chiens. En fait, à partir de l’interdiction de 1835, c’est le bull-baiting qui disparaît - du moins officiellement, car des combats ont encore lieu dans la clandestinité, et cette fois entre chiens, car c’est plus discret ! Mais dès lors, notre ami hors-la-loi mène une existence des plus précaires et ne fréquente plus que les bandits et les endroits louches.
Il est totalement discrédité, inutile, détesté, et il fait peur à tout le monde car il a tendance à sauter sur tout ce qui bouge ! L’élevage se meurt et la race va vers une extinction certaine.
Pourtant, quelques véritables amateurs veillent sur sa destinée. Ils continuent, notamment dans la banlieue londonienne, à élever des bulldogs de qualité. A une époque où la cynophilie est en plein essor, il n’en faut pas plus pour relancer la race. Les éleveurs visent désormais les expositions qui font des débuts prometteurs au milieu du siècle. Leur politique de sélection est de faire perdre son sale caractère à leur protégé, tout en lui conservant ses qualités les plus estimables : force, courage, opiniâtreté'. .. Le but atteint, le bully - qui a maintenant droit à ce gentil surnom - fait son entrée dans le monde. En 1864, parallèlement à la création du premier Bulldog Club, un standard est établi et publié sous le nom de « Philo Kûon Standard » (L’Ami du Chien). Enfin, les activités du Bulldog Club Incorporated démarrent en 1875.
La nouvelle esthétique du bully prend forme peu à peu. Son museau est de plus en plus plat, sa tête de plus en plus grosse, ses pattes de plus en plus courtes, il prend des rondeurs. Afin d’en faire des spécimens d’exposition exceptionnels, certains amateurs développent à l’excès ces caractéristiques. Et on arrive à des caricatures ! Des chiens qui ont du mal à se traîner et même à respirer ! Aujourd’hui, le bulldog a, dans l’ensemble, retrouvé la santé, mais il reste très éloigné du chien de type boxer qu’il était avant que la cynophilie officielle le prenne en main.
Côté caractère aussi notre ami a bien changé. Et personne ne pourrait lui en faire reproche. Le dur à cuire de jadis à fait place à une bonne pâte, tout ce qu’il y a de placide et d’affectueux.